Radioactivité en classe Teach article

Traduit par Camille Ducoin. Luis Peralta est professeur au département de physique de l’Université de Lisbonne; Carmen Oliveira, est enseignante de physique chimie au Lycée Casquilhos à Barreiro, près de Lisbonne. Ils décrivent ici le projet ‘Rayonnement Environnant’: dans ce cadre,…

Localisation des écoles
portugaises participant au
projet. Cliquez pour agrandir l’image

Adapté d’une image reproduite
avec l’aimable autorisation de
Rei-artur; Source: Wikimedia
Commons

Le projet ‘Rayonnement Environnant’ a démarré en 2007. Il met en relief l’importance des rayonnements ionisants (ayant une énergie suffisante pour arracher des électrons aux atomes et molécules) dans la vie quotidienne. Ce projet implique des élèves âgés de 12 à 18 ans, et des enseignants de 25 collèges et lycées à travers le Portugal et les Açores; ceux-ci reçoivent un support technique et logistique de la part des universités de Lisbonne et de la Beira Interior, ainsi que du Laboratoire d’Instrumentation et de Physique Expérimentale. L’idée est née lorsque des étudiants de différents lycées ont visité l’Université de Lisbonne durant l’été 2006; une première visite de mines d’uranium avait alors été organisée pour eux. Les enseignants et élèves participant au projet sont invités à réaliser des expériences ‘avec les mains’. Ils partagent leurs résultats sur le site Internetw1 du projet (voir les graphiques ci-dessous), et les exposent à l’occasion d’une journée d’atelier annuelle organisée dans l’une des écoles impliquées.

Ceci inclut une ‘foire scientifique’ où les élèves présentent leurs résultats et partagent de nouvelles idées; les meilleurs travaux sont récompensés par des prix symboliques. À la fin de cette journée a lieu un débat ‘pour ou contre’ sur les questions liées aux rayonnements, entre les élèves et un scientifique invité. Cet atelier est aussi une manifestation intéressante, qui attire l’attention des journaux et des radios locales.

Le projet ‘Rayonnement Environnant’ organise aussi des activités extrascolaires. En 2008, élèves et professeurs, accompagnés par deux géologues, ont visité des mines d’uranium près de Nisa, une petite ville située à environ 200 km au nord-est de Lisbonne. C’est l’un des sites du Portugal où l’on peut ramasser des roches présentant un certain degré de radioactivité. Les élèves ont ramassé sur ce site plus de 50 kg de roches qui ont ensuite servi à réaliser des expériences à l’école. Il existe plusieurs zones en Europe où de telles roches peuvent être ramassées, par exemple en République Tchèque.

Le thème choisi pour ce projet peut sembler sujet à controverse, car il conduit à exposer des jeunes à la radioactivité; mais les échantillons que nous utilisons ne sont que faiblement radioactifs. Cet aspect négatif peut en fait devenir positif, en incitant les élèves à développer une culture de la protection. Ils prennent ainsi de bonnes habitudes vis à vis de la radioactivité que l’on peut rencontrer dans la vie quotidienne; par exemple, dans le contexte de l’imagerie médicale. C’est pour cela que le site Internet du projet a instauré un forum sur lequel les élèves sont encouragés à débattre des questions liées aux rayonnements.

Les expériences

La carte de la radioactivité au
Portugal: l’un des travaux
présentés par des élèves en
2008

Reproduit avec l’aimable
autorisation du projet
‘Rayonnement Environnant’

Nous rencontrons la radioactivité naturelle dans différentes situations. Par exemple, les radiations émises par le radon et les éléments issus de sa désintégration représentent environ 50% de la totalité des rayonnements auxquels les gens sont normalement exposés. Le radon est lui-même produit lors de la désintégration de l’uranium présent dans les roches, le plus souvent du granite. Le radon est un gaz: il fuit depuis le sol et à travers les fissures des murs; il s’accumule dans les pièces fermées comme les greniers, ou près du rez-de-chaussée des bâtiments. Sa présence peut être détectée par des expériences simples que les élèves effectuent dans leurs propres écoles.

Les expériences développées pour ce projet peuvent être réalisées avec juste un peu de matériel peu coûteux. Chaque école participante a reçu un kit comprenant un compteur Geiger, des graines irradiées, des plaques pour radiographies dentaires aux rayons X, et une boîte en plastique contenant jusqu’à 2 kg de roches collectées dans des mines d’uranium. Les écoles ont fourni l’espace de travail, des ordinateurs, et l’enthousiasme des élèves et enseignants.

De multiples expériences peuvent être réalisées pour introduire et explorer la radioactivité, selon différents niveaux de complexité. Par exemple, les élèves peuvent utiliser les compteurs Geiger pour mesurer les taux de radiations aux environs de leurs écoles et, en utilisant les coordonnées GPS, créer une carte locale de la radioactivité qu’ils peuvent ensuite déposer sur Google Earthw2. Une autre expérience simple, utilisant seulement un compteur Geiger, consiste à détecter des radiations dans les sels utilisés pour les préparations alimentaires, comme le chlorure de potassium. Dans des expériences plus complexes, les élèves peuvent placer des plaques métalliques de différentes épaisseurs et compositions (plomb, aluminium) entre la matière radioactive et le compteur Geiger, et découvrir combien le rayonnement à diminué en passant à travers le métal.

Les expériences développées par le projet ‘Rayonnement Environnant’ utilisent aussi un ballon pour attraper de la poussière radioactive dans une pièce fermée: il faut frotter le ballon avec un vêtement en fourrure de façon à produire de l’électricité statique qui attire la poussière, le laisser suspendu une demi-heure dans une pièce habituellement fermée, le dégonfler et utiliser un compteur Geiger pour mesurer les radiations qu’il émet. Les élèves peuvent même reproduire l’expérience historique de Becquerel, qui a conduit à la découverte de la radioactivité: des pierres radioactives sont placés sur des plaques pour radiographie dentaire aux rayons X, qui sont ensuite développées pour révéler les “auto-radiographies” qu’elles ont créées.

Vous trouverez (en Portugais) une description détaillée de toutes les expériences ainsi qu’un forum de discussion en visitant le site Internet du projetw1.

En suivant le protocole ci-dessous, les élèves peuvent explorer une application commerciale de la radioactivité. L’expérience a été réalisée avec succès par des jeunes âgés de 13 à 20 ans, mais elle convient également pour des élèves plus jeunes en adaptant les procédures de mesures et de production des graphiques.

Détection de la radioactivité
dans la roche

Image reproduite avec
l’aimable autorisation du projet
‘Rayonnement Environnant’

Par les dommages qu’ils causent sur l’ADN et autres structures cellulaires, les rayonnements ionisants constituent un risque pour les êtres humains; nous pouvons cependant les utiliser à notre avantage, et cela se fait couramment. Ces rayonnements sont utilisés pour stériliser les instruments chirurgicaux en tuant les microbes; ils peuvent être employés de façon semblable pour allonger la durée de conservation de certains aliments, et même en agriculture, pour éliminer les parasites présents dans les semis. Au Portugal, l’irradiation des semis ne se fait que dans le cadre de la recherche, tandis que c’est une pratique courante aux Etats-Unis. Bien sûr, cette méthode peut infliger des dommages aux graines elles-mêmes. Cependant, les graines de plantes sont généralement plus résistantes aux rayonnements que les micro-organismes qui les parasitent. Il s’agit donc de trouver la juste dose: suffisante pour tuer les parasites, mais pas trop forte pour éviter d’endommager les semis.

En suivant le développement de graines soumises à différentes doses de radiations, les élèves peuvent observer les effets de ce traitement sur la germination et la croissance des plantes.

Pour cette expérience, le projet ‘Rayonnement Environnant’ a fait irradier les graines au département de physique de l’Université de Lisbonne, et dans un établissement pratiquant la stérilisation d’instruments chirurgicaux. Vous pouvez contacter des institutions similaires pour irradier les graines dont vous avez besoin.

Matériel pour chaque groupe de 2 à 4 élèves

  • Plusieurs bacs à plantations (ayant tous la même taille et la même forme)
  • Des graines de plantes ayant été soumises auparavant à différentes doses connues de radiations (entre 0 et 400 Gy)
  • Nous recommandons les grains de blé si possible, mais l’expérience fonctionne également avec les graines d’alpiste (Phalaris canariensis, une céréale commune pour l’alimentation des oiseaux) qui peuvent être plus faciles à trouver.
    Le facteur le plus important est l’uniformité de la dose appliquée (toutes les graines d’un échantillon doivent avoir reçu la même quantité de radiations). Nous avons utilisé un tube à rayons X Philips à haute puissance pour effectuer l’irradiation. Les graines (formant un volume de 0.5 l au départ) ont été placées dans une tasse en plastique, à environ 0.5 m de la fenêtre du tube à rayons X. Pour contrôler la dose de radiations appliquée, nous avons placé une chambre à ionisation PTW Farmer à l’intérieur de la tasse, juste au milieu des graines. Une fois atteinte l’une des doses souhaitées, une partie des graines était retirée de la tasse et mise à part dans un sachet étiqueté. De cette façon, la dose s’accumulait pour les graines restant dans la tasse.
    L’une des problèmes rencontrés est que les graines les plus proches du tube reçoivent une dose plus élevée, même si l’on tourne la tasse de 180° entre deux irradiations. Une meilleure solution à l’avenir serait de placer la tasse sur une base rotative (comme un vieux lecteur de disques).
  • Terre de jardin
  • Eau
  • Règle
  • Facultatif : instruments pour mesurer la température, le pH et l’humidité

Procédure

  1. Placez des quantités égales de la même terre dans chaque bac.
  2. Divisez les bacs en sections égales (une section pour chaque dose de radiations), en les marquant par des étiquettes, et semez les graines dans leurs zones respectives. Assurez-vous de semer le même nombre de graines dans chaque section, et prenez bien note de ce nombre! Si possible, semez dans une grille : cela est d’un grand secours quand il faut ensuite mesurer et compter les plantes une par une.
  3. Couvrez les graines d’une couche de terre de 2 à 3 mm (si vous en mettez davantage, elles mettront plus de temps à germer).
  4. Arrosez les graines régulièrement, avec la même quantité (et qualité) d’eau.
  5. Conservez tous les bacs dans le même endroit pendant toute la durée de l’expérience, pour s’assurer que la croissance s’effectue dans des conditions identiques.
  6. Si vous avez les instruments nécessaires, mesurez et enregistrez régulièrement les paramètres de l’environnement (température, pH et humidité). Si vous effectuez l’expérience comme activité hors cursus, les élèves peuvent faire des relevés quotidiens. Sinon, il est suffisant de contrôler les plantes pendant les heures prévues en classe.
  7. Pour chaque dose de radiation, comptez le nombre de graines semées. Vous pouvez aussi noter quelle est la série qui germe en premier.

    Le temps de croissance est très dépendant des conditions locales. Nous avons observé des différences de plus d’une semaine, d’une écoles à l’autre. La lumière et la température sont des facteurs importants, tout comme la profondeur à laquelle les graines ont été semées. Dans l’une des écoles, les plantes ont pu être mesurées après seulement 4 jours, alors que pour d’autres il a fallu en attendre 12. Les premières mesures peuvent être faites quand les plantes les plus grandes mesurent environ 4 à 5 cm.

  8. Mesurez et notez la hauteur de chaque plante, par exemple 8 et 12 jours après qu’elles ont commencé à germer (temps à adapter selon la vitesse de croissance). Chaque plante est mesurée individuellement, ce qui prend environ 15 minutes pour 50 plantes. Semer les graines dans une grille rend cette tâche plus facile.
  9. Pour chaque dose de radiation, regroupez les hauteurs mesurées en intervalles de 0.5 cm, et tracez un histogramme montrant le nombre de plantes dans chaque intervalle (voir exemple).
  10. Calculez la hauteur moyenne des plantes pour chaque dose de radiations, 8 et 12 jours après germination.
  11. Notez ces résultats dans des tableaux et tracez un graphique montrant comment évolue la hauteur moyenne avec la dose de radiation.
  12. Calculez le pourcentage de graines germées pour chaque série. Représentez ces résultats par un graphique montrant comment la dose de radiations affecte ce pourcentage (voir exemple).
Cliquez pour agrandir les
images
Images reproduites avec
l’aimable autorisation du projet
‘Rayonnement Environnant’

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Notes pour la sécurité:

  • Placez les roches radioactives dans une boîte en plastique, et portez des gants lorsque vous les manipulez.
  • Les expériences impliquant des roches radioactives doivent être effectuées dans une pièce bien aérée.
  • Pour les expériences avec des graines irradiées, il suffit que les élèves portent des gants au moment de planter les graines. L’irradiation est effectuée par des techniciens spécialisés qui suivent les règles de sécurité appropriées (dans notre cas, au Département de Physique de l’Université de Lisbonne).
  • Pour l’expérience de Becquerel, les élèves doivent porter des gants pour manipuler la plaque radiographique aux rayons X au moment de son développement.

Discussion

  • La dose de radiation affecte-t-elle le nombre de graines germées? Comment?
  • Affecte-t-elle la hauteur atteinte par les plantes? Leur vitesse de croissance?
  • Quelle est la dose de radiations qui permet la germination du plus grand nombre de graines? Quelle dose permet d’obtenir les plantes les plus hautes?

Les organisateurs du projet “radiations dans l’environnement” sont actuellement en contact avec des biologistes et enseignants de biologie afin d’étendre cette expérience dans un contexte interdisciplinaire; dans ce cadre, les élèves pourraient observer les effets des radiations sur les cellules et le patrimoine génétique des plantes. Les enseignants intéressés peuvent contacter les organisateurs par l’intermédiaire du forum sur le site Internet du projet.

Remerciements

Le projet a été financé par Ciência Viva, l’Agence Nationale Portugaise pour la Culture Scientifique et Technique, le Programme Science et Innovation 2010, et ERDF (le Fond Européen pour le Développement Régional).


Web References

Resources

Author(s)

Luis Peralta est professeur au département de physique de l’Université de Lisbonne. Il a obtenu son doctorat en 1991, en travaillant sur une expérience de physique des hautes énergies au CERN, dans le domaine des collisions d’ions lourds. Ces dernières années, il a travaillé sur la physique des rayonnements appliquée à la médecine, et il s’intéresse maintenant aux problèmes environnementaux liés au radon.

Carmen Oliveira est enseignante de physique chimie au lycée Casquilhos à Barreio, près de Lisbonne. Elle a obtenu un master de physique en 1996, en travaillant sur la radioactivité et l’environnement. Actuellement, elle effectue une thèse de doctorat de physique sur le développement de détecteurs de rayonnements ionisants pour les écoles primaires et secondaires.

Review

Par ses différentes formes et applications, la radioactivité vient jouer un rôle de plus en plus vital dans notre vie quotidienne. De nos jours, le taux de radiations causé par les activités humaines est déjà à peu près égal à celui issu de sources naturelles (Terre et espace). De plus, le nombre d’usines nucléaires continue d’augmenter.
Comme les futurs citoyens devront prendre des décisions critiques sur ces questions, les élèves d’aujourd’hui devraient commencer à se préparer en étudiant les applications potentielles de la radioactivité, et les conséquences possibles de son utilisation.
Dans cet article, Luis Peralta et Carmen Oliveira offrent des informations et des idées pour impliquer les élèves dans des activités éducatives et motivantes concernant l’importance des rayonnement ionisants. La variété de ces activités et des façons possibles de les intégrer au cursus est remarquable.

Vangelis Koltsakis, Grèce

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