Traduit par Claire Batisse.
Comment se développe un cancer, et comment les généticiens peuvent-ils dire qu’une cellule est cancéreuse? Cette activité pédagogique développée par l’équipe "Communication and Public Engagement" du Wellcome Trust Sanger Institute, en Grande-Bretagne, répond à ces questions et à d’autres en relation.
Tous les cancers résultent de changements de la séquence ADN dans certaines de nos cellules. Des erreurs peuvent s’accumuler pendant la réplication parce que le matériel génétique dans les cellules est exposé à des agents mutagènes tels que les rayons UV. Occasionnellement, une de ces mutations altère la fonction d’un gène essentiel, fournissant un avantage de croissance à la cellule dans laquelle elle a eu lieu et à ses descendantes; ces cellules se diviseront plus rapidement que leurs voisines.
Petit à petit, l’ADN acquiert plus de mutations, qui peuvent conduire à la perturbation d’autres gènes clé, ayant pour conséquence des cellules invasives à croissance particulièrement rapide. Il en résulte la formation d’une tumeur, l’invasion des tissus environnant et finalement des métastases –propagation du cancer dans les autres parties du corps.
de tumeurs fonctionnant
normalement pour prévenir
la croissance et la division
cellulaire. Pour conduire au
cancer, les deux copies d’un
gène devront être mutées
(marquées en rouge). Cliquer
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Public Engagement team
Les gènes qui conduisent au développement de cancers quand ils sont mutés sont connus comme «gènes du cancer».
Les gènes suppresseurs de tumeurs (GSTs; Figure 1) code l’information pour faire des protéines qui normalement diminuent la croissance cellulaire, prévenant les divisions non nécessaires ou favorisant l’apoptose (mort cellulaire programmée) si l’ADN de la cellule est endommagé. Les deux copies d’un GST devront être inactivées par mutation avant que ce contrôle du cycle cellulaire soit perdu. Si une copie reste fonctionnelle, il y a encore un «frein» à la croissance cellulaire.
oncogènes fonctionnent
normalement pour favoriser
la croissance et la division
cellulaire d’une manière
contrôlée. La mutation d’une
copie du gène (marquée en
rouge) peut être suffisante
pour conduire au
développement d’un cancer.
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Les proto-oncogènes (Figure 2), au contraire, codent des protéines qui favorisent la division et la différenciation cellulaire (spécialisation). Lorsque ces gènes acquièrent des mutations qui font des protéines continuellement actives ou conduisent à ce que l’activité du gène ne soit plus régulée, ils deviennent des oncogènes, favorisant la croissance et la division cellulaire incontrôlée. Pour les proto-oncogènes, une mutation d’une copie du gène peut être suffisante pour conduire au développement d’un cancer.
Chaque cas de cancer est causé par un ensemble unique de mutations dans des proto-oncogènes et/ou des GSTs. Bien que le nombre ne soit pas encore connu, on suppose qu’au moins 5 mutations dans les gènes de cancer sont nécessaires pour qu’une cellule (et ses descendantes) devienne cancéreuse.
KRAS (prononcé ka-rass) est un proto-oncogène qui code la protéine KRAS, une protéine de signal intracellulaire impliquée dans la stimulation de la croissance cellulaire (pour distinguer les gènes des protéines, les noms des gènes sont écrits en italique par convention). L’activité suivante permet aux étudiants d’utiliser les données duCancer Genome Projectw1 pour étudier les mutations communes dans le gène KRAS qui sont associées avec l’oncogenèse (formation de cancer) et le développement de cancers pancréatiques, colorectaux, des poumons et bien d’autres. Développée à l’origine pour des visites scolaires au Sanger Institutew2, l’activité a été mise à disposition sur le site web Yourgenome.orgw3. Elle a récemment formé une partie du premier cours en bioinformatique pour les enseignants européens organisé par ELLSw4 au "European Bioinformatics Institutew5 à Hinxton, en Grande-Bretagne. Dans son intégralité, l’activité stimule la discussion sur les causes du cancer, la fonction des mutations des gènes, la structure et la fonction des protéines.
séquence du gène KRAS.
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Durée estimée: 45–60 minutes (avec la présentation et la discussion)
Tous les matériaux requis pour faire l’activité peuvent être gratuitement téléchargés à partir du site web Yourgenome.org soit individuellement ou sous forme de fichier compressé zipw6.
roue du code génétique pour
traduire les codons ADN en
acides aminés. Pour décoder
un codon, trouver la première
lettre de votre séquence dans
le cercle interne et travailler
vers l’extérieur pour voir
l’acide aminé correspondant.
Par exemple, CAT code pour
H (histidine). Noter que ce
diagramme utilise le sens
ADN codons (5’-3’). Cliquer
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Brooksbank, European
Bioinformatics Institute
synthétisé à partir du brin
anti-sens de l’ADN. Le brin
sens de l’ADN, utilisé dans
cette activité, a la même
séquence que le brin d’ARN
correspondant, sauf que les T
sont remplacés par des U.
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Cleopatra Kozlowski
Pour utiliser la bannière, vous aurez aussi besoin de grandes flèches pour marquer les mutations, de carrés pour marquer les régions qui ont été vérifiées (KRAS_annotations.pdf), et de l’adhésif réutilisable (comme Blu Tack®) pour coller les flèches et les carrés sur la séquence du gène. Vous trouverez plus de renseignements sur la façon d’utiliser cette méthode dans les notes pour enseignants téléchargeablesw6.
De plus, vous pourrez trouver utile d’avoir le modèle de l’ADN, du peptide et/ou de la protéine pour manipulation, et d’utiliser les animations sur le cancer du Wellcome Trust Sanger Institute (Cancer: Rogue cells et Role of cancer genes) sur le site web de l’activité KRASw6.
feuille de travail d’un
étudiant. Cliquer sur l’image
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La présentation Investigating Cancer (disponible en lignew6) fournit aux étudiants un aperçu du cancer. Elle introduit le concept selon lequel le cancer survient à cause d’anomalies dans la séquence ADN, explique les causes variées de ces mutations et présente l’activité et les feuilles de travail. Plusieurs sections de la présentation encouragent les discussions des étudiants (voir les notes de la présentationw6).
Dans la première partie de l’activité, les étudiants identifient les différences entre les séquences du gène KRAS dans des cellules saines et tumorales sur leurs feuilles de travail, et les marquent sur la bannière KRAS ou la feuille avec la séquence du gène.
Les feuilles de travail présentent les tracés du séquençage ADN brut de KRAS à partir d’échantillons de cellules saines et cancéreuses, représentés par des graphes de lignes colorées - une pour chaque région du gène. Les quatre bases sont représentées sur ces graphes par quatre couleurs différentes. Chaque pic coloré représente une base ADN particulière:
Rouge: T
Vert: A
Bleue: C
Noir: G (normalement ces pics sont jaunes mais ce n’est pas facile à lire sur papier)
Il y a 11 feuilles de travail numérotées au total, chacune montrant deux régions différentes du gène KRAS. Les six mutations se trouvant sur le gène KRAS sont sur les feuilles un à six, alors soyez sur de bien mélanger les feuilles avant de les distribuer à la classe. Tout doit être compléter pour assurer une pleine couverture du gène. Il est important de souligner aux étudiants que les mutations sont (relativement) rares, donc tout le monde n’en trouvera pas une; ce qui peut être utilisé pour explorer l’importance des données négatives et le traitement global dans les études scientifiques.
mutations de la séquence.
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En utilisant les feuilles de travail, les étudiants compareront une section de la séquence ADN provenant d’une cellule saine et d’une cellule tumorale à partir du même patient. Le moyen le plus facile pour identifier si une mutation est présente est d’écrire la séquence ADN sous les pics colorés (pour aider, il y a un code couleur sur la feuille) et de comparer les séquences écrites.
Si une des lettres est différente (un pic a changé de couleur), cela indique une mutation dans la séquence. Dans la Figure 7 (à droite), le A dans la séquence ADN provenant de la cellule saine a été remplacé par un G dans la cellule tumorale.
régions du gène qui ont été
vérifiées, et marquage des
mutations
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hétérozygote. Cliquer sur
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Si les étudiants trouvent un double pic sur une position de base, cela devra être enregistré comme une alternative entre deux bases sur cette position, l’une au-dessus de l’autre. Dans la Figure 8, la séquence ADN saine a un G, tandis que la séquence tumorale a G et C. Ce n’est pas une insertion: cela représente une mutation hétérozygote où seule une copie du gène a substitué un C à un G. Dans ce cas, la séquence tumorale a remplacé G avec un C.
Tous les étudiants devront indiquer la région du gène qu’ils ont vérifié en cochant la région appropriée sur la feuille du gène (voir Figure 9, à gauche).
Les étudiants qui trouvent une mutation devront indiquer la base spécifique en l’encerclant sur la feuille du gène (voir Figure 9) et noter dans quel codon elle réside (dans cet exemple, codon 12).
Ils devront aussi remplir le tableau à la base de la feuille de travail, en utilisant la roue du code génétique pour traduire la séquence ADN en acide aminé, comme montré dans le Tableau 1:
Numéro de l’acide aminé | Séquence ADN de la cellule saine | Séquence ADN de la cellule tumorale | Acide aminé de la cellule saine | Acide aminé de la cellule tumorale |
---|---|---|---|---|
12 | GGT | GTT | Glycine (G) | Valine (V) |
Quand les mutations ont été trouvées, enregistrez-les sur la feuille de résumé des données (voir Tableau 2).
Numéro de l’acide aminé | Séquence ADN de la cellule saine | Séquence ADN de la cellule tumorale | Acide aminé de la cellule saine | Acide aminé de la cellule tumorale |
---|---|---|---|---|
12 | GGT | GTT | G (glycine) | V (valine) |
13 | GGC | GAC | G (glycine) | D (acide aspartique) |
30 | GAC | GAT | D (acide aspartique) | D (acide aspartique) |
61 | CAA | CGA | Q (glutamine) | R (arginine) |
146 | GCA | CCA | A (alanine) | P (proline) |
173 | GAT | GAC | D (acide aspartique) | D (acide aspartique) |
Les résultats ci-dessus sont tous des substitutions d’une seule base. Ces mutations à l’intérieur de la région du gène KRAS codant la protéine peuvent être classées en trois types, selon l’information codée par le codon altéré.
Discuter si les mutations sont significatives – ont-elles un impact sur la fonction de la protéine ou sont-elles “silencieuses”? Dans cette activité, les codons 30 et 173 sont silencieux et n’ont donc pas d’impact fonctionnel.
Numéro de l’acide aminé | Healthy cell DNA sequenceSéquence ADN de la cellule saine | Séquence ADN de la cellule tumorale | Acide aminé de la cellule saine | Acide aminé de la cellule tumorale | Type de mutation | Significatif oui / non |
---|---|---|---|---|---|---|
12 | GGT | GTT | G (glycine) | V (valine) | Ponctuelle (faux-sens) | Oui |
13 | GGC | GAC | G (glycine) | D (acide aspartique) | Ponctuelle (faux-sens) | Oui |
30 | GAC | GAT | D (acide aspartique) | D (acide aspartique) | Ponctuelle (silencieuse) | Non |
61 | CAA | CGA | Q (glutamine) | R (arginine) | Ponctuelle (faux-sens) | Oui |
146 | GCA | CCA | A (alanine) | P (proline) | Ponctuelle (faux-sens) | Oui |
173 | GAT | GAC | D (acide aspartique) | D (acide aspartique) | Ponctuelle (silencieuse) | Non |
3D de la protéine KRAS. Les
acides aminés 12 (en bleu),
13 (en jaune), 61 (en orange)
et 146 (en rose) sont ceux
qui portent des mutations
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Public Engagement team,
created with RasMol
La présentation a une image en 3D de la protéine KRAS (Figue 10, à droite); les diapositives 26 à 30 montrent où les mutations significatives se trouvent sur la protéine, et vous noterez qu’elles sont toutes dans la même région. Les codons 12, 13 et 61 ont été les premières mutations à être associées avec la transformation oncogénique dans la protéine KRAS; la mutation 146 a seulement été découverte en 2005. Utiliser ces diapositives pour discuter de l’impact que les mutations pourraient avoir sur la structure protéique et la fonction de KRAS dans la régulation de la croissance.
Comme activité optionnelle, les étudiants peuvent utiliser RasMol, le logiciel de modélisation moléculaire utilisé pour créer les images sur les diapositives 26-30, afin de souligner les acides aminés mutés dans la structure protéique. Voir les notesw6 pour l’enseignant pour les détails.
Les notesw6 pour l’enseignant contiennent une abondance d’informations complémentaires, utilisant KRAS comme un exemple, pour stimuler la discussion sur la façon dont l’information génomique peut être utilisée pour approfondir notre compréhension du cancer et développer des traitements contre le cancer. Les points de discussion pour les étudiants incluent:
La version auteur de cet article peut être consultée librement en ligne. Voir: www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc ou utiliser le lien direct: http://tinyurl.com/3x5hah6
Pour un catalogue complet des gènes de cancer somatique (COSMIC) décrit dans l’article ci-dessus et créé par le Cancer Genome Project, voir: www.sanger.ac.uk