Traduit par Camille Ducoin.
Dudley Shallcross, Tim Harrison, Steve Henshaw et Linda Sellou proposent dans ce nouvel article des expériences de physique et chimie sur l'exploitation de l'énergie solaire et la mesure des taux de dioxyde de carbone.
l'aimable autorisation d'
Alohaspirit / iStockphoto
Le thème du changement climatique peut conduire à aborder de nombreux sujets en classe de science; mais la question des différentes sources d'énergie et de leurs conséquences aura probablement un rôle. La discussion pourra inclure les différents types de combustibles qui peuvent être utilisés, leur efficacité, comment ils sont produits; les alternatives à la combustion; l'énergie solaire; l'importance du dioxyde de carbone dans le réchauffement global. Nous proposons ici deux activités expérimentales pour accompagner les cours de physique et chimie sur le changement climatique. Trois activités sur les combustibles ont été publiées dans Shallcross et al (2009).
Le Soleil, bien sûr, est source de la plupart de l'énergie utilisée sur Terre, outre l'énergie géothermique et nucléaire – y compris celle qui provient des combustibles fossiles ou “verts”. La lumière solaire est aussi utilisable directement comme source d'énergie: on peut démontrer cela en classe en utilisant des cellules de Grätzel, également appelées “cellules solaires nanocristallines à pigments” ou “cellules solaires organiques”. Baptisées d'après leur inventeur, l'ingénieur suisse Michael Grätzel, ces cellules convertissent directement la lumière solaire en électricité par photosynthèse artificielle. Pour cela, elles utilisent des pigments naturels présents, par exemple, dans les cerises, mûres, framboises et cassis. Ces pigments rouges-violets, appelés anthocyanesw1, peuvent facilement être extraits des fruits et feuilles par les élèves: il suffit de les faire bouillir dans un petit volume d'eau, puis de filtrer.
Ces cellules sont très prometteuses, car elles sont faites de matériel peu coûteux et peuvent être produites sans appareillage sophistiqué. Bien que leur efficacité de conversion soit plus faible que celle des meilleures cellules à couche mince, leur rapport performance/prix est suffisamment élevé pour les rendre compétitives face aux combustibles fossiles pour la production d'électricité. Les applications commerciales, qui ont été retardées par des problèmes de stabilité chimique, sont maintenant annoncées sur la feuille de route photovoltaïque de l'Union Européennew2 comme une contribution significative à la production d'électricité renouvelable d'ici à 2020.
Les cellules de Grätzel séparent les deux fonctions remplies par le silicium dans une cellule traditionnelle: normalement, le silicium agit comme source de photoélectrons, tout en fournissant le champ électrique qui sépare les charges et crée le courant. Dans une cellule de Grätzel, le semi-conducteur est utilisé seulement pour le transport des charges, tandis que les photoélectrons sont fournis séparément par un pigment photosensible (l'anthocyane). La séparation de charge a lieu à la frontière entre le pigment, le semi-conducteur et l'électrolyte.
Les molécules de pigment sont assez petites (de l'ordre du nanomètre); ainsi, pour capter une quantité raisonnable de lumière incidente, il faut une couche assez épaisse de ces molécules – beaucoup plus épaisse que leur taille. Pour traiter ce problème, on utilise un nano-matériel comme armature pour maintenir un grand nombre de molécules de pigment dans une matrice 3D, augmentant ainsi le nombre de molécules présentes par unité de surface de la cellule. Dans les modèles existants, cette armature est fournie par le matériel semi-conducteur (oxyde de titane), qui remplit ainsi une double fonction.
Les cellules de Grätzel peuvent être fabriquées de toute pièce, mais il est difficile de se procurer le verre pré-traité de façon à avoir une face conductrice. De plus, il faut les passer au four pendant environ 24 heures pour faire pénétrer la pâte d'oxyde de titane dans la surface de verre. Ainsi, il est plus facile d'utiliser un kit commercial comme ceux proposés par la compagnie allemande Mansolarw3, qui permettent d'assembler six cellules de Grätzel pour environ 80 Euros. Si toutefois vous avez déjà de l'expérience avec l'équipement requis et que vous préférez construire vos propres cellules de Grätzel, voici une description de la procédure:
Vous pouvez vous amuser à utiliser des cellules de Grätzel pour faire fonctionner différents appareils. Par exemple, vous pouvez remplacer les piles d'une machine à calculer par un circuit de plusieurs petites cellules de Grätzel; ou encore, alimenter avec ces cellules un circuit de carte d'anniversaire musicale, ou un petit moteur.
Les détails sur les mécanismes chimiques à l'oeuvre dans ces cellules se trouvent dans un article en lignew4.
liaisons. Cliquez pour
agrandir l'image
Image reproduite avec
l'aimable autorisation de
Marcus Medley, Bristol
ChemLabS
Le CO2 est le plus connu des gaz à effet de serre, et l'une des principales préoccupations dans les discussions sur le changement climatique. On peut se demander comment les taux de CO2 sont mesurés dans les échantillons d'air, d'autant que la concentration de ce gaz est faible: la réponse réside dans la spectroscopie infra-rouge. Les molécules de dioxyde de carbone absorbent des fréquences spécifiques de rayons infra-rouges qui, selon leur énergie, affectent les liaisons covalentes entre atomes de carbone et d'oxygène. Les énergies les plus basses provoquent une inclinaison des liaisons, les énergies les plus élevées les étirent. Les fréquences impliquées sont situées dans la partie infra-rouge du spectre électromagnétique (nombre d'ondes compris entre 4000 et 650 cm-1 – le nombre d'ondes est l'inverse de la longueur d'onde: c'est une unité couramment employée en spectroscopie infra-rouge). Cet effet peut être utilisé pour déterminer la concentration en CO2, de la façon suivante.
Il existe deux principaux types de détecteurs de dioxyde de carbone (voir Harrison et al, 2006). Les détecteurs destinés à la recherche, plus coûteux, pompent l'air à travers la partie sensible; les appareils les moins chers utilisent la diffusion de l'air. L'air passe dans une cellule absorbante, qui consiste en un petit cylindre noir situé à l'intérieur du détecteur.
À l'une des extrémités du détecteur est située une source de lumière infra-rouge couplée à un filtre de longueur d'onde, de façon à fournir une bande étroite autour du nombre d'ondes 2350 cm-1 À l'autre extrémité du tube se trouve un détecteur de rayons infra-rouges: un compteur de photons qui mesure l'intensité de la lumière infra-rouge. Plus il y a de molécules de CO2 dans l'échantillon, plus le rayonnement est absorbé, et moins il y a de rayons infra-rouges atteignant le détecteur. Pour de petites absorptions, la loi de Beer-Lambert nous donne:
Concentration = (1-(I/I0)) / σl
où:
de dioxyde de carbone
Image reproduite avec
l'aimable autorisation de Bristol
ChemLabS
L'intensité I0 n'est pas déterminée à chaque mesure, mais doit être vérifiée assez fréquemment pour s'assurer qu'il n'y a pas de trop grandes fluctuations dans l'intensité de production de la lumière infra-rouge.
Les élèves qui ont utilisé de tels détecteurs, prêtés par l'Université de Bristol, ont été surpris de mesurer un taux de CO2 plus élevé dans une salle de classe vide qu'à l'extérieur, et bien supérieur aux 0.037% (0.037/100 x 1 x 106 = 370 ppm) rapportés dans les livres pour la concentration atmosphérique. Il se trouve que les nouveaux bâtiments scolaires du Royaume Uni ont des fenêtres qui n'ont pas été conçues pour s'ouvrir, ainsi le CO2 expiré s'accumule!
Les détecteurs de CO2 utilisés par les élèves sont réglés sur le nombre d'ondes 2349, correspondant à un étirement asymétrique des liaisons du CO2(Harrison et al, 2006). Un étirement asymétrique a lieu lorsque les doubles liaisons entre carbone et oxygène (C=O) absorbent de l´énergie, et l'une des doubles liaisons s'allonge tandis que l'autre se contracte (voir schéma). Pour le CO2 il ne peut y avoir qu'un étirement asymétrique; celui-ci est particulièrement important car le dioxyde de carbone est la seule molécule présente en grande quantité dans l'atmosphère à absorber du rayonnement de nombre d'ondes 2349. Ainsi, seule l'absorption par le CO2 peut causer un changement d'intensité de la lumière infra-rouge émise à cette fréquence.
Bristol ChemLabS serait intéressé de recevoir des demandes d'autres écoles en Europe qui souhaiteraient emprunter l'un de ces détecteurs faciles à utiliser, pour effectuer des mesures de taux de dioxyde de carbone dans des échantillons d'air. Bien que ces appareils puissent se trouver dans le commerce, ils sont assez chers, et ne se trouvent pas couramment dans les établissements scolaires.