Une planète venue d une autre galaxie Understand article

Traduit par Mathieu Isidro. Comme si les planètes hors de notre Système Solaire n'étaient pas assez intéressantes, des astronomes ont récemment découvert une planète en orbite autour d'une étoile ne faisant pas partie de notre galaxie. Johny Setiawan enquête.

Vue d’artiste de l’exoplanète
autour de l’étoile HIP 13044

Image reproduite avec
l’aimable autorisation de
Timotheos Samartzidis

Depuis vingt ans, les astronomes savent qu’il existe des planètes hors de notre Système Solaire (Wolszczan & Frail, 1992). En orbite autour d’autres étoiles, elles sont connues sous le nom de planètes extrasolaires ou exoplanètes. Jusqu’à présent, plus de 500 exoplanètes ont été détectées, et la majorité orbite autour d’étoiles dont les caractéristiques sont similaires à celles du Soleil (décrit dans Jørgensen, 2006). Plus précisément, plus de 90% des étoiles qui possèdent des exoplanètes sont dans la même phase d’évolution que le Soleil, la séquence principale, durant laquelle les étoiles brûlent de l’hydrogène (voir image ci-dessous)

Les étoiles comme notre Soleil passent la majorité de leur vie dans la séquence principale, en transformant lentement leur combustible nucléaire principal, l’hydrogène, en l’élément plus lourd qu’est l’hélium. C’est l’étape dans laquelle se trouve notre Soleil.

Après plusieurs milliards d’années, leur combustible est presque épuisé et elles commencent à gonfler, poussant leurs couches extérieures loin de ce qui s’est transformé en un petit noyau très chaud. Ces étoiles «entre deux âges» deviennent énormes, et donc froides et rouges. Elles prennent le nom de géantes rouges.

Après sa phase de géante rouge, l’étoile entre dans la phase de la branche horizontale, au cours de laquelle la source d’énergie est la fusion d’hélium dans le noyau, et la fusion d’hydrogène dans l’enveloppe qui entoure le noyau. C’est l’étape dans laquelle l’étoile HIP 13044 se trouve actuellement.

Contrairement aux étoiles beaucoup plus massives, ces étoiles semblables au Soleil ne meurent pas dans des explosions spectaculaires, mais s’éteignent paisiblement en formant des nébuleuses planétaires, soufflant autour d’elles tout leur contenu sauf un petit reste, qu’on appelle une naine blanche.

Pour en apprendre davantage sur l’évolution des étoiles, voir Boffin & Pierce-Price, 2007 (petites étoiles), Székely & Benedekfi, 2007 (étoiles massives) et le site web (en anglais) du Langton Star Centrew1
Image reproduite avec l’aimable autorisation de ESO / S Steinhöfel

Notre groupe de recherche à l’Institut Max Planck pour l’Astronomie à Heidelberg, en Allemagne, se concentre lui sur la recherche de compagnons planétaires autour d’étoiles qui ne sont pas dans la séquence principale, mais dans les étapes plus tardives de leur évolution. Cela inclut l’étape de géante rouge, au cours de laquelle l’étoile se dilate jusqu’à des centaines de fois son diamètre initial. La détection de planètes autour de ces étoiles géantes est importante pour l’étude de l’évolution des systèmes planétaires, en particulier car cela nous permet d’entrevoir l’avenir de notre propre Système Solaire.

Récemment, notre équipe a détecté une planète autour de l’étoile HIP 13044, qui a dépassé la phase de géante rouge.

Une étoile extragalactique

L’étoile HIP 13044, qui se situe à environ 2000 années-lumière de notre Système Solaire dans la constellation australe du Fourneau, est sensiblement différente d’autres étoiles connues ayant des planètes. Elle présente notamment une très faible abondance en fer, représentant moins de 1% de l’abondance en fer du Soleil. L’abondance élevée en métaux (métallicité stellaire) est importante dans le modèle de formation planétaire dit d’accrétion de coeur : plus il y a de métaux dans le système stellaire, plus la probabilité de former une planète est élevée. Compte tenu de son faible taux de fer, nous ne nous attendions pas à trouver une planète autour de HIP 13044.

Mais ce qui rend cette étoile particulièrement intéressante est le fait que HIP 13044 fait partie d’un groupe d’étoiles qui traverse notre galaxie, la Voie Lactée, et qui orbite autour du centre de celle-ci sur des orbites semblables. On appelle cela un flux stellaire. On sait que le flux de Helmi auquel appartient HIP 13044 a son origine en dehors de notre galaxie (Helmi et al., 1999). On suppose que l’attraction gravitationnelle de la Voie Lactée a attiré ces étoiles dans notre galaxie.

C’est la première fois que des astronomes détectent un système planétaire dans un flux stellaire d’origine extragalactique. En raison des énormes distances en jeu, aucune détection de planète dans d’autres galaxies n’a été confirmée. Mais cette liaison cosmique a amené une planète extragalactique à notre portée.

Comment détecter les exoplanètes

Bien que l’étoile HIP 13044 et sa planète HIP 13044 b font désormais partie de la Voie Lactée, elles sont encore à 2000 années lumière de la Terre. Bien que l’étoile peut être observée avec un télescope, la planète elle-même est beaucoup trop petite pour être observée directement. Comment, donc, avons-nous pu la détecter?

Grâce à la technique dite des vitesses radiales, nous avons cherché des petites oscillations caractéristiques de l’étoile causées par l’attraction gravitationnelle de son compagnon en orbite. En examinant les raies spectrales stellaires à divers moments, nous avons détecté des modifications de ces raies (voir schéma ci-dessous). Ces modifications indiquent des changements dans la vitesse de l’étoile le long de la ligne de visée et peuvent révéler la présence d’un compagnon invisible de petite masse, comme une planète. Bien qu’il existe d’autres techniques pour détecter les exoplanètes (comme par exemple l’effet de microlentille gravitationnelle, décrit dans Jørgensen, 2006), la méthode des vitesses radiales s’est montrée la plus probante. Pour ces observations précises, nous avons utilisé le spectrographe haute résolution FEROS du télescope MPG / ESO de 2,2 m situé à l’observatoire de l’ESO de La Silla au Chiliw2. Cet observatoire est équipé d’instruments de pointe pour détecter les planètes extrasolaires.

La technique des vitesses radiales pour détecter les exoplanètes. Si une étoile est suffisamment proche de la Terre, nous pouvons détecter sa lumière. La lumière contient des informations sur les éléments contenus dans l’atmosphère de l’étoile. Cette information peut être sous la forme de raies spectrales (lignes noires sur le spectre de couleur, à droite). Elles peuvent être détectées avec, par exemple, un spectrographe à haute résolution.

Dans le cas d’une étoile sans compagnon, la position de ces raies dans le spectre ne change pas périodiquement. Toutefois, la présence d’un compagnon en orbite, comme une planète (sphère bleue) fait osciller l’étoile (sphère orange). Le mouvement de l’étoile est représenté par une ligne jaune. Tandis que l’étoile (pas la planète!) se déplace vers nous (vers la droite du diagramme), le changement de sa vitesse radiale est négatif (comme le montre le graphique, ci-dessus). Tandis qu’elle s’éloigne de nous (à gauche), le changement de sa vitesse radiale est positif. Cela se traduit par une déplacement des raies spectrales : un changement positif de la vitesse radiale correspond à un déplacement vers des longueurs d’onde rouges dans le spectre; un changement négatif correspond à un déplacement vers l’extrémité bleue. Ces changements sont utilisés pour détecter la présence d’un compagnon en orbite autour de l’étoile. Cliquer sur l’image pour l’agrandir
Image reproduite avec l’aimable autorisation de Johny Setiawan

Voir notre avenir ?

HIP 13044 b est l’une des rares exoplanètes connues à avoir survécu à la phase de géante rouge de son étoile hôte, au cours de laquelle l’étoile se dilate massivement après avoir épuisé le stock d’hydrogène de son noyau. L’étoile hôte HIP 13044 s’est maintenant contractée de nouveau et est entrée dans la branche horizontale, elle brûle l’hélium dans son noyau. Il s’agit de la première exoplanète détectée autour d’une étoile de la branche horizontale. La découverte de HIP 13044 b est donc particulièrement intrigante si nous pensons à l’avenir lointain de notre propre système planétaire. Le Soleil est déjà à mi-parcours de sa vie et est appelé à devenir une géante rouge dans environ cinq milliards d’années.

Non seulement l’existence de la planète nouvellement découverte est intéressante, mais ses caractéristiques sont également inhabituelles. HIP 13044 b a une masse d’au moins 1,3 fois celle de Jupiter, la plus grosse planète de notre Système Solaire, et orbite à une distance de 0,12 fois la distance entre le Soleil et la Terre (0,12 unité astronomique). HIP 13044 b orbite autour de son étoile hôte en seulement 16,2 jours au lieu d’un an pour la Terre car elle est beaucoup plus proche de son étoile hôte que nous ne le sommes du Soleil. Une si petite orbite planétaire est commune pour les étoiles de la séquence principale comme le Soleil, mais est rare pour les étoiles dans leur phase d’évolution tardive, comme les étoiles géantes.

Notre équipe pense que l’orbite de la planète pourrait avoir été beaucoup plus longue à l’origine, mais qu’elle s’est rapprochée durant la phase de géante rouge. Si la planète avait été plus proche de l’étoile, elle n’aurait peut être pas été si chanceuse : l’étoile est en rotation relativement rapide pour une étoile de la branche horizontale, et une explication est que HIP 13044 a avalé les planètes les plus proches pendant la phase de géante rouge, ce qui ferait tourner l’étoile plus rapidement (pour une explication, voir Carlberg et al., 2009)

Bien que HIP 13044 b a jusqu’ici échappé au sort de ces planètes intérieures, l’étoile va gonfler à nouveau à la prochaine étape de son évolution. HIP 13044 b, ayant survécu jusqu’à présent, pourrait bien être engloutie par son étoile prochainement. Cela pourrait même également être le cas pour nos planètes extérieures, comme Jupiter, lorsque le Soleil arrivera à la fin de sa vie.


References

Web References

  • w1 – Le Langton Star Centre soutient des groupes de recherche d’élèves impliqués dans la recherche scientifique de pointe. Pour en apprendre davantage sur le cycle de vie d’une étoile, consultez les ressources sur le site (en anglais) : www.thelangtonstarcentre.org
  • Pour savoir comment le professeur de physique Becky Parker a créé le Langton Star Centre, voir :
  • w2 – L’Observatoire européen austral (ESO), construit et gère les télescopes astronomiques au sol les plus puissants au monde. L’ESO est un membre d’EIROforum, l’éditeur de Science in School. Pour en savoir plus sur l’ESO, rendez-vous sur : www.eso.org

Resources

Institutions

Author(s)

Johny Setiawan a suivi des études de physique à l’Université Albert Ludwig de Freiburg im Breisgau, en Allemagne, avant d’obtenir son doctorat en astronomie et astrophysique en 2003. Il a ensuite intégré l’Institut Max Planck pour l’Astronomie à Heidelberg, en Allemagne, où sa recherche porte sur les planètes extrasolaires autour d’étoiles jeunes mais aussi plus évoluées. En particulier, il travaille sur les données spectroscopiques des spectrographes optiques dédiés aux programmes de recherche de planètes.

Review

Avant de lire cet article, je ne savais pas que notre galaxie, la Voie lactée, contient quantité d’étoiles provenant d’autres galaxies. J’ai été fasciné par l’histoire de ces visiteurs venus de loin et d’une exoplanète entreprenant un voyage galactique.

À des fins d’enseignement, j’ai pensé d’abord à la gravité : à quel point elle peut être forte, à quel point elle peut être universelle et avoir une influence sur de si grandes distances. L’article pourrait également être facilement appliqué à d’autres sujets en physique, chimie, astronomie et sciences de la Terre : la masse, l’effet Doppler, la spectroscopie (raies d’absorption et d’émission), l’abondance de métaux dans l’Univers, l’attraction mutuelle des corps célestes et l’accrétion planétaire. Il pourrait être utilisé comme point de départ d’une discussion sur la cosmologie, l’histoire du Système Solaire et la recherche de planètes comme la Terre et la vie extraterrestre.

Il pourrait également être utilisé pour une discussion sur comment fonctionne la science : comment les hypothèses et les théories commencent par de nouvelles observations et découvertes, et sont basées sur les précédentes découvertes scientifiques et techniques établies par des scientifiques ouverts à des possibilités qui n’avaient jamais été envisagées auparavant.

Marco Nicolini, Italie

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