Traduit par Mehdi Khadraoui.
Disséquez un poulet de supermarché pour découvrir le système de poulie inhabituel qui permet aux oiseaux de voler.
De nombreux biologistes peuvent regarder un animal, mort ou vif, et apprendre comment il fonctionne. Au cours des dernières décennies, des dissections complètes de rats, de grenouilles et de vers de terre ont permis d’en apprendre davantage sur l’anatomie.
De nos jours, les étudiants se soucient de savoir s’il est éthiquement acceptable de tuer des animaux uniquement pour les disséquer et les étudier. Les dissections se font de moins en moins dans les écoles, et encore plus rarement sur des animaux entiers – ce sont plutôt des organes individuels comme le cœur qui sont utilisés. De plus, la viande se vend de plus en plus pré-préparée, pour minimiser le temps passé aux fourneaux. Beaucoup d’enfants grandissent sans voir leurs parents préparer un poulet, un lapin ou d’autres animaux entiers. Ainsi, les étudiants d’aujourd’hui approchent la dissection avec moins d’expérience et une réticence plus prononcée que jamais auparavant.
Cela dit, le vertébré terrestre le plus vendu sous forme entière comme nourriture est probablement le poulet, et il est ainsi l’animal d’élevage que les étudiants connaissent le mieux. Même sans ses organes internes, le poulet procure une excellente introduction à la dissection.
Le vol des oiseaux a toujours fasciné les humains. Nos bras ont les mêmes os que les ailes d’oiseau, et de nombreux muscles en commun. Pourtant, nous ne pouvons que battre des bras et imaginer nous envoler. Léonard de Vinci, par exemple, était fasciné par la possibilité de faire voler l’être humain, et avait une passion pour l’étude du vol des oiseaux et la mécanique du corps humain. Il a produit d’innombrables croquis annotés des épaules et des bras, et comment ils s’attachent au torse. Mais lorsqu’il a étudié la structure de l’aile d’un oiseau, il ne l’a dessinée que jusqu’à l’articulation de l’épaule. Il s’est arrêté juste au moment où les choses devenaient intéressantes : les connections entre l’aile et les muscles qui la font battre.
Le premier objectif de cette activité est de montrer les deux muscles les plus importants pour faire battre les ailes des oiseaux, et de démontrer comment ils fonctionnent. Étonnamment, bien que la structure des ailes de poulet et les muscles qui les font battre sont connus de tous les non-végétariens, il est rare que quelqu’un fasse le lien entre les deux, puisque les ailes et la poitrine sont souvent mangées séparément. Le deuxième objectif de cette activité est que les élèves se familiarisent avec le processus scientifique et la valeur scientifique des dissections en général. Les dissections permettent de comprendre comment les organismes vivants fonctionnent.
Cette activité pourrait être utilisée dans un cours de biologie sur le vol d’oiseau ou la locomotion, ou pour illustrer un cours de physique sur les forces. Elle pourrait aussi faire partie d’un cours sur l’évolution – expliquant la raison pour laquelle nos bras sont si similaires à des ailes d’oiseau – ou sur les organismes modèles – expliquant comment les poulets peuvent être utilisés pour comprendre le développement des membres chez l’être humainw1.
Selon l’âge et l’aptitude des élèves, ils peuvent effectuer la dissection eux-mêmes, ou l’enseignant(e) peut en faire une démonstration.
Plus le poulet est complet, plus la démonstration sera intéressante. Dans certains pays européens, les poulets plumés sont disponibles dans les supermarchés avec la tête, le cou, les pattes et les organes internes (abats) intacts. Les enseignants peuvent poursuivre la dissection avec d’autres organes s’ils le désirent. Sinon, un poulet de supermarché emballé comme on en vend au Royaume Uni sans pieds, sans cou et sans abats se prête parfaitement à la démonstration décrite ici. Nous encourageons les enseignants à acheter des poulets biologiques élevés en plein air.
Cette démonstration comporte les risques associés (1) aux bactéries présentes sur la volaille crue telles que les salmonelles et listérias, et (2) à l’utilisation de couteaux aiguisés ou de scalpels. Les enseignants devront suivre les consignes de sécurité locales. Des gants devraient être portés pour réduire le risque de contamination, mais ne remplacent pas un lavage des mains rigoureux après la dissection. Voir également la consigne de sécurité générale.
Les élèves verront les similarités entre les caractéristiques anatomiques humaines – l’os unique du haut du bras (humérus), le coude, les deux os de l’avant-bras (radius et ulna), le poignet et tous ses os, et la main avec un pouce – et leurs équivalents dans l’aile de poulet (figure 1).
Expliquez aux étudiants que chez l’être humain, les muscles qui bougent les bras vers le bas sont les muscles pectoraux, alors que ceux qui agissent lors d’un mouvement vers le haut sont les muscles du dos. Chez les oiseaux, les deux ensembles de muscles se trouvent dans la poitrine. Les muscles sont faciles à identifier, même sur des poitrines de poulet en filets – le muscle pour le mouvement vers le bas est le plus gros muscle pectoral externe, et le muscle pour le mouvement vers le haut est le supracoracoïdal vers l’intérieur (figure 3). Ce muscle plus petit est souvent vendu sous le nom d’aiguillette (figure 4). L’action antagoniste de ces deux muscles sur l’aile (l’action d’un muscle s’oppose à celle de l’autre) sera illustrée plus bas.
Les étudiants devraient avoir l’opportunité d’essayer – en tirant sur le muscle pectoral et le muscle supracoracoïdal, ils auront une meilleure idée de la force nécessaire à battre des ailes en vol. Il est également remarquable de voir que les muscles qui bougent l’aile vers le haut et vers le bas sont tous deux sous l’aile. Cela semble contre-intuitif parce que les muscles responsables du « battement vers le haut » humain sont localisés dans le dos, et non dans la poitrine.
La dissection peut se poursuivre et toucher au reste de l’anatomie du poulet, selon l’état de votre spécimen. Par exemple :
On s’attendrait à ce que ce ratio change en fonction des habitudes de vol de différentes espèces. Les colibris, par exemple, génèrent une force de portance considérable en battant des ailes vers le haut – ils auraient donc un ratio plus bas. Les oiseaux migrateurs qui utilisent les forces aérodynamiques pour aider leurs mouvements d’ailes vers le haut tels que les canards devraient avoir un ratio plus élevé.
Remarquez que le supracoracoïdal est entièrement scellé – il est dans une cavité fermée par le muscle pectoral et le bréchet. En général, des muscles antagonistes se situent de part et d’autre de l’articulation sur laquelle ils agissent. Les muscles de vol des oiseaux sont pourtant du même côté de l’articulation, l’un enveloppant l’autre. Il serait intéressant de savoir si ce genre d’arrangement musculaire existe chez d’autres animaux.
Cette démonstration permet d’atteindre trois objectifs avec un seul spécimen.