L exploration spatiale: le retour sur la Lune Understand article

Traduit par Ruby Veerapen. N'avez-vous jamais levé les yeux vers la Lune par une nuit étoilée en pensant au petit groupe de privilégiés qui en ont foulé la surface? Qu'avons-nous appris de leurs expéditions et quelles questions subsistent encore? Retournerons-nous un jour sur la Lune? Si…

Une des rares photos
montrant Neil Armstrong
sur la Lune (c’est lui qui
tenait la caméra la plupart
du temps). On peut voir son
reflet dans le casque de
Buzz Aldrin

Image reproduite avec
l’aimable autorisation de
NASA

En 1969, Neil Armstrong et Buzz Aldrin foulent, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, la surface d’un autre corps céleste: la Lune. Au cours des trois années qui suivront, dix autres astronautes américains s’y poseront à leur tour dans le cadre du programme Apollo. Mais ces évènements ont eu lieu voilà près de 40 ans et depuis, l’homme n’est plus retourné sur la Lune. Pourquoi? Y retournerons-nous un jour? Si oui, quand?

Dans les années 1960 et 1970, le programme Apollo et les missions inhabitées Luna (russe) et Surveyor (américaine), se sont concentrés sur l’étude de la face visible de la Lune laissant ainsi beaucoup de questions fondamentales sans réponses. Notamment:

  • Quel est l’âge de la Lune? Où se situe-t-il par rapport à celui du système solaire? Il est essentiel de pouvoir étudier sa surface rocheuse pour répondre à ces questions. En effet, si la Terre est plus facile à étudier, sa surface a été altérée depuis sa formation contrairement à celle de la Lune qui a peu évoluée.
  • Quels composés chimiques y sont présents? À quoi ressemble sa structure interne? Connaître ces informations nous aidera à déterminer l’origine de la Lune, à savoir si oui ou non elle résulte de la fission de la Terre comme l’affirment certaines théories.
  • Des ressources telles que l’eau y sont-elles présentes? Si tel est le cas, la Lune pourrait servir de base aux astronautes lors de misions vers d’autres planètes.
     
Points d’alunissage de divers
engins. Les triangles verts
représentent ceux des
missions Apollo, les jaunes
ceux des missions Surveyor
de la NASA et les rouges
ceux de Luna, la mission
soviétique. Cliquer sur
l’image pour l’agrandir

Image reproduite avec
l’aimable autorisation de
National Space Science Data
Center / NASA’s Goddard
Space Flight Center

De nos jours, la technologie spatiale a pour objectif principal de s’occuper des problèmes de notre planète comme le changement climatique. Ainsi, l’Agence Spatiale Européenne (ESA) a lancé plusieurs satellites afin d’observer l’atmosphère terrestre, ses océans et ses calottes glaciairesw1. Néanmoins, après des années d’inactivité sur le plan de l’exploration lunaire, plusieurs pays ont à nouveau envoyé des missions sur la Lune au cours de la dernière décennie.

En 2003, l’ESA envoie la mission inhabitée Smart-1w2 en orbite autour de la Lune avec deux objectifs. Le premier est de tester une technologie conçue pour l’envoi de missions hors de l’orbite terrestre selon des trajectoires précises. Le deuxième est d’effectuer diverses études scientifiques typiques telles que l’observation du rayonnement X de la Lune. La mission Mars Express, première mission de l’ESA à orbiter une autre planète, est lancée peu de temps après avec à son bord plusieurs instruments scientifiques. Ces missions ont marqué le renouveau de l’intérêt porté à l’exploration spatiale.

Lancement d’Apollo 11 en
1969

Image reproduite avec
l’aimable autorisation de
NASA Kennedy Space Center
(NASA-KSC)

En 2004, George W. Bush, alors président des États-Unis, ordonne à la NASA de retourner sur la Lune. Il envisage une nouvelle ère de l’exploration spatialew3 et veut que soit construit sur le sol lunaire un avant-poste utilisable pendant de longues périodes. Par la suite, 14 organisations et agences spatiales s’accordent sur une stratégie d’exploration internationalew4, reflet de la vision des États-Unis et des projets d’explorations spatiales d’autres pays comme le Royaume-Uniw5.

En septembre 2007, la mission japonaise Kaguya (initialement baptisée Selene) est lancée. En orbite autour de la Lune, le satellite cherche (en vain) des traces d’eau à sa surface, mesure la force de son champ gravitationnel grâce à un deuxième petit satellite et étudie la chimie de son sol. Kaguya prend aussi des images de la surface lunaire dans le visible, en cartographie une grande partie et mesure la radiation en orbite afin d’évaluer les risques encourus par les astronautes des missions futures.

Le satellite chinois Chang’e-1 est lancé un mois plus tard toujours dans le but d’étudier la topographie et la composition chimique de la surface lunaire tout en cherchant de l’eau. Cependant, peu des données enregistrées par Chang’e-1 ont été révélées à la communauté internationale.

En avril 2008, le satellite indien Chandrayaan-1 est lancé dans un but similaire à celui de Kaguya. Mais Chandrayaan-1 a de plus un instrument radar embarqué. Ce dernier permet aux scientifiques de sonder pour la première fois les cratères sombres à proximité des pôles lunaires. Ces mesures radars suggèrent que de l’eau sous forme de glace est présente dans le pôle sud. Ceci est confirmé en 2009 grâce à une fusée, l’impacteur LCROSS, lancée par le satellite américain LRO dans le cratère de ce pôle: les instruments embarqués sur le satellite détectent la présence de glace d’eau dans les particules éjectées après l’impactw6, w7. Les données de la sonde LRO révèlent même l’endroit où, 37 ans plus tôt, un rover russe était venu se poserw8.

Le MoonLITE, satellite du
Royaume-Uni en cours
d’élaboration, a quatre
pénétrateurs (petits engins
secondaires destinés à
étudier le sous-sol lunaire)

Image reproduite avec
l’aimable autorisation de SSTL

Ces missions récemment effectuées ont permis de répondre en partie aux questions laissées sans réponses dans les années 1970; elles ont fourni des informations sur la composition chimique d’une plus grande partie de la surface lunaire et laissent présager la présence d’eau et d’autres ressources dans le pôle sud sombre et extrêmement froid (températures inférieures à 100 K). Plus d’informations restent à venir; certaines des vastes cartes générées par les sondes japonaises, chinoises, indiennes et américaines sont toujours en cours de traitement.

Cependant, pour comprendre totalement la nature de la Lune et son environnement, et peut-être préparer le jour où les hommes pourront visiter notre satellite et y passer de longues périodes sans dangers (pour y faire des observations astronomiques, y étudier la géologie lunaire, y préparer des missions d’exploration dans des régions de l’espace plus éloignées ou même y miner les ressources lunaires), nous avons besoin d’informations que même ces missions récentes, en orbite à une distance bien grande de la surface lunaire, ne peuvent fournir. Quel est, par exemple, l’effet de la poussière lunaire sur les hommes, les véhicules et les télescopes? Peut-on survivre sur la Lune pendant plusieurs semaines et plus? De quelle nouvelle technologie, en matière de sources d’énergie ou d’isolation thermique par exemple, les astronautes auront-ils besoin pour y séjourner et travailler aisément dans les cratères des pôles lunaires?

Pour répondre à ces interrogations, il nous faut des sondes pouvant alunir et mesurer directement les propriétés de la poussière, des roches et de l’environnement (comme les séismes lunaires) sur de longues périodes de temps. Contrairement aux missions inhabitées des années 1960 et 1970, les futures missions qui aluniront devront étudier l’ensemble de la surface lunaire. Elles devront effectuer des études scientifiques, rechercher les meilleurs emplacements où établir des bases et communiquer les données directement à la Terre par transmission radio.

Le MoonRaker, sonde du
Royaume-Uni en cours
d’élaboration et destinée
à alunir, devrait donner des
indications précises quant
à l’âge de la Lune en
échantillonnant des régions
qu’aucune mission n’a
encore visitées

Image reproduite avec
l’aimable autorisation de SSTL

De telles missions sont déjà en préparation. Après leurs récentes missions satellites, la Chine et l’Inde comptent envoyer des sondes automatiques (Chang’e-2 et Chandrayaan-2 respectivement) sur la Lune. Pour mettre à profit ces missions lunaires et leurs consœurs, et pour couvrir une plus grande portion de la surface lunaire inexplorée, le Royaume-Uni développe de petits engins à faible coût. Avec leurs systèmes de guidage automatique et leurs instruments miniaturisés, ces engins devraient permettre d’effectuer des missions lunaires régulières et peu coûteuses dès 2014. Avec l’appui de l’ESA, d’autres pays européens se penchent aussi sur la technologie de pointe des sondes pouvant alunirw9. Celles-ci pourront embarquer une large gamme de technologies et permettront de tester des systèmes convenables pour les astronautes et les futures expéditions vers Mars. Mais plus larges et plus coûteuses, elles ne sont pas encore complètement financées.

Les ambitions américaines pour l’exploration spatiale, avec une base lunaire habitée prévue pour 2020, promettaient une belle aventure, mais la NASA et le gouvernement américain ont récemment décidé que leur projet était trop onéreux. À la place, ils enverront des missions automatiques pour étudier l’environnement lunaire et cartographier les ressources disponibles; étape logique, plus rapide et moins coûteuse vers une présence durable sur notre plus proche voisine. Il nous faudra sans doute attendre longtemps avant que le 13ème homme n’alunisse mais les missions automatiques joueront un rôle important dans la réalisation de cette entreprise. C’est là l’héritage bien vivant du programme Apollo.


References

Web References

  • w1 – Pour plus d’informations sur le programme d’observation de l’ESA, l’agence spatiale européenne, et son satellite CryoSat-2 destiné à l’étude du réchauffement climatique, voir: www.esa.int/esaEO
  • w2 – Pour plus d’informations sur la mission Smart-1 de l’ESA, voir: www.esa.int/SPECIALS/SMART-1
  • w3 – Pour plus d’informations sur les projets des États-Unis relatifs à l’exploration spatiale, voir: http://history.nasa.gov/sep.htm
  • w4 – Pour plus d’informations sur la stratégie d’exploration internationale (Global Exploration Strategy), voir: www.globalspaceexploration.org
  • w5 – L’agence spatiale du Royaume-Uni a publié en 2007 un rapport établi par son groupe de travail sur l’exploration spatiale. Il est téléchargeable depuis leur site web (www.bnsc.gov.uk) ou utiliser ce lien: http://tinyurl.com/3xe8vr7
  • w6 – Pour lire l’article ‘NASA ‘ecstatic’ after LCROSS impact reveals water on moon’, voir le site web du journal The Guardian (www.guardian.co.uk) ou utiliser ce lien: http://tinyurl.com/ylmb6pm
  • w7 – Pour plus d’informations sur la mission LRO, voir: http://lunar.gsfc.nasa.gov
  • w8 – Pour plus d’informations sur le rover lunaire russe récemment découvert, consulter le site web du Science Daily (www.sciencedaily.com) ou utiliser ce lien: http://tinyurl.com/yfbzjcv
  • w9 – L’ESA lance un appel d’offres pour des projets de missions d’alunissage. Pour plus d’informations, consulter le site web de l’ESA (www.esa.int) ou utiliser ce lien: http://tinyurl.com/2utzaq7
  • w10 – Surrey Satellite Technology est une entreprise spécialisée dans la conception, la construction et le lancement de petits satellites. Voir: www.sstl.co.uk

Resources

Author(s)

Adam Baker travaille pour Virgin Galactic en tant que responsable sécurité. Il est chargé d’évaluer les risques et de garantir la sécurité des futurs vols suborbitaux habités. Il a écrit cet article lorsqu’il travaillait à Surrey Satellite Technologyw10, qui a élaboré les missions MoonLITE et MoonRaker.

Adam a étudié la science des matériaux à l’Université d’Oxford au Royaume-Uni où il a ensuite fait un doctorat sur les matériaux composites. À cette période, il consacrait son temps libre à la construction de moteurs de fusée. C’est ainsi qu’il a été employé par Surrey Satellite Technology puis Virgin Galactic. Pour plus d’informations sur Adam, voir Hodge (2006).

Review

La course à l’exploration spatiale des années 1960 a été une période palpitante et très importante pour le développement de diverses technologies; les alunissages furent très enrichissants. Plusieurs décennies plus tard, nous nous préparons à retourner explorer la Lune; cet article explique comment et pourquoi.

Il pourrait être utilisé comme point de départ de discussions dans les cours de sciences et technologie, par exemple en histoire des sciences. Il pourrait aussi servir dans les clubs de sciences ou autres activités similaires.

Eric Deeson, Royaume-Uni

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