Y a-t-il des planètes semblables à la Terre en orbite autour d’autres étoiles que le Soleil? Understand article

Traduction Nausicaa Delmotte. Uffe Gråe Jørgensen, de l’université de Copenhague au Danemark, présente l’état des lieux sur la recherche de planètes de type Terre dans notre Galaxie.

L’observatoire de l’ESO ?
La Silla au Chili

Image reproduite avec
l’aimable autorisation de l’ESO

Il y a 100 milliards d’étoiles dans notre galaxie, la Voie Lactée. Nombre d’entre elles sont assez semblables à notre étoile, le Soleil. Cela signifie-t-il qu’il y a des millions, voire des milliards de planètes comme la Terre dans notre galaxie? Peut-être même avec de la vie semblable à la nôtre Jusqu’à très récemment, les astronomes étaient seulement capables de repérer des planètes assez différentes de celles présentes dans notre propre système solaire. Mais en août 2005, notre groupe a découvert la première planète en dehors de notre système solaire qui pourrait avoir été formée et s’être développée de la même manière que la Terre.

Les scientifiques pensent que notre propre système solaire fut formé à partir d’un grand nuage interstellaire qui, sous l’effet de sa propre masse, s’effondra sur lui-même il y a 4,6 milliards d’années. La plupart du nuage engendra le Soleil, mais comme le nuage était en rotation, une petite fraction forma un disque plat de gaz et de poussières autour du Soleil nouveau-né. Dans les parties extérieures du disque, très loin du Soleil et au-delà de l’orbite actuelle de Jupiter, il faisait suffisamment froid pour que l’eau formât des cristaux de glace et des flocons de neige. Tout comme par une froide journée d’hiver, il se mit alors à neiger. Mais il neigea pendant des millions d’années. De collisions en collisions, les flocons de neige et les grains de poussières se transformèrent peu à peu en solides amas compacts de plus en plus grands, un peu comme de grosses boules de neige sales. Une fois le premier amas devenu 15 fois plus massif que la Terre, sa gravité attira à lui le gaz environnant. De cette manière, l’amas se transforma en une gigantesque planète avec un cœur solide entouré par d’énormes quantités de gaz compressé. Nous appelons ceci une planète gazeuse, bien que le cœur soit solide, formé de glace et de petites quantités de roche et de métal à l’intérieur. Jupiter, qui est la planète gazeuse la plus grande de notre système solaire, contient 300 fois plus de masse que la Terre, principalement sous la forme de gaz hydrogène et hélium compressé.

Cependant, dans la partie interne du disque, au plus près du Soleil, il faisait trop chaud pour que l’eau pût former de la neige. À la place, l’eau resta dans le nuage, de la même manière qu’elle reste dans l’air par une chaude journée d’été. Seules les très rares particules de poussières faites de roche et de métal purent former des amas solides. C’est donc ainsi que les planètes internes, Mercure, Vénus, la Terre et Mars, devinrent de ‘petits’ amas rocheux (avec un cœur de fer), tout comme l’environnement rocheux de la Terre qui nous est familier. Le manque de neige dans la partie interne du nuage empêcha à tout jamais les planètes de cette région de devenir d’énormes planètes gazeuses comme Jupiter. La faible quantité d’eau et d’atmosphère que nous avons maintenant sur Terre est apparue plus tard (de manière fort compliquée, ce qui est toujours le sujet d’un intense débat parmi les scientifiques), mais elle n’est presque rien comparée aux énormes masses de gaz de Jupiter et des autres planètes gazeuses.

Ce fut donc une grande surprise quand la première planète découverte autour d’une autre étoile, en 1995, s’avéra être une planète gazeuse gigantesque sur une toute petite orbite. À première vue, la découverte de cette planète, 51 Pegasi b, entrait profondément en conflit avec notre compréhension de la formation des systèmes planétaires, comme nous l’avait appris l’étude de notre propre système solaire: de grandes planètes gazeuses sur de grandes orbites et de petites planètes solides de type Terre sur de plus petites orbites. Cependant, la méthode qui fut utilisée pour trouver des planètes (voir ci-dessous) était sensible à de telles planètes ‘bizarres’.

De nos jours, il est généralement admis que ces grandes planètes gazeuses se sont formées de la même manière que Jupiter et Saturne, mais qu’elles ont ensuite lentement dérivé vers l’intérieur, vers l’étoile qu’elles orbitent. Si Jupiter s’était comporté de la sorte dans notre système solaire, il aurait très certainement englouti notre petite Terre dans son énorme intérieur pendant son passage et il n’y aurait pas de Terre aujourd’hui. Mais les orbites de toutes les planètes de notre système solaire sont remarquablement stables. Nous ne savons pas si cette stabilité est normale pour des systèmes planétaires, ou bien si elle est unique à notre système solaire. Sans cela, les conditions dans notre système auraient très probablement changé de manière trop drastique et trop fréquente pour que le fragile équilibre de la vie puisse survivre. Par exemple, la stabilité des planètes externes provoqua le rejet de plus d’un millier de milliards de comètes de l’intérieur du système solaire, peu de temps après la formation de la Terre. Si elles avaient toujours été là aujourd’hui, des collisions régulières avec elles auraient très vraisemblablement éliminé notre atmosphère et évaporé les océans, empêchant ainsi la vie de prendre pied. Peut-être existons-nous dans notre système solaire précisément parce que c’est le seul endroit dans l’Univers qui permet à la vie de survivre et de se développer sur des échelles de temps biologiques, c’est-à-dire sur des milliards d’années.

Une comparaison des orbites
de Mercure, Venus et de la
Terre avec l’orbite de 51
Pegasi b, la premiere
exo-planète d’couverte

Si une planète orbite une étoile autre que le Soleil, nous l’appelons une planète extra-solaire, ou encore une exo-planète. Depuis 1995, les scientifiques ont découvert presque 200 exo-planètes. La plupart d’entre elles, y compris la première, ont été découvertes grâce à la technique des vitesses radiales, qui consiste à rechercher des changements dans les positions des raies spectrales de l’étoile. Cette technique est principalement sensible à la détection de très grosses planètes sur de très petites orbites. La plupart des nombreuses autres techniques qui sont maintenant utilisées pour rechercher des planètes extra-solaires sont aussi principalement sensibles aux planètes qui sont très différentes de celles de notre système solaire. Ainsi continuons-nous à découvrir principalement des planètes ‘inattendues’. Nous trouvons de grosses planètes gazeuses sur de petites orbites, là où elles n’ont pas pu se former, ou bien de petites planètes solides sur des orbites ultra-petites ou encore des planètes extrêmement grandes et brillantes sur des orbites extrêmement grandes orbitant autour d’étoiles très petites, et ainsi de suite. Mais cela ne veut pas nécessairement dire que les planètes de type Terre sont rares dans l’Univers. Nous devons simplement les chercher avec d’autres méthodes. La difficulté principale dans la détection des exo-planètes de type Terre autour d’étoiles distantes est que la Terre est petite (ainsi sa lumière est obscurcie par celle de l’étoile qu’elle orbite) et en même temps sur une orbite relativement grande (donc son étoile doit être observée pendant un temps très long avant qu’un mouvement périodique ne puisse être détecté).

Pendant plusieurs années, notre groupe a travaillé sur l’implémentation d’une méthode dite de microlentille gravitationnelle, qui est particulièrement sensible aux planètes dont les orbites sont semblables à celle de la Terre et dont les masses sont aussi petites que celle de la Terre. Quand une étoile passe presque directement devant une autre étoile, son champ gravitationnel va courber la lumière de l’étoile en arrière-plan. L’étoile en avant-plan va alors agir comme une lentille grossissante, en obligeant la lumière de l’étoile en arrière-plan à nous atteindre de plusieurs directions en même temps, la faisant ainsi apparaître plus brillante. Si l’étoile d’avant-plan est seule (c’est-à-dire s’il n’y a pas de planète se déplaçant autour d’elle), son champ gravitationnel sera symétrique et la luminosité de l’étoile d’arrière-plan sera ainsi accrue dans un premier temps quand les étoiles se rapprocheront l’une de l’autre, pour ensuite décroître quand les deux étoiles s’éloigneront de nouveau l’une de l’autre. Dans ce cas, la courbe de lumière est symétrique au cours du temps. À l’inverse, si une planète orbite autour de l’étoile d’avant-plan, le champ gravitationnel sera asymétrique. La luminosité de l’étoile d’arrière-plan diminuera alors de manière différente de la façon avec laquelle elle aura augmenté: la courbe de lumière sera asymétrique. Ce sont ces asymétries que nous recherchons. Typiquement l’étoile d’avant-plan sera une étoile quelque peu plus petite que le Soleil (il y en a tout simplement plus dans notre galaxie) et l’étoile d’arrière-plan sera une étoile géante rouge froide (plus facile à repérer car très brillante).

Explication de l’effet de
microlentille gravitationnelle

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l’aimable autorisation de
Knight Ridder / Tribune
Information Services

À l’observatoire de Las Campanas au Chili, l’équipe polonaise appelée OGLEw1 assure le suivi d’environ 100 millions d’étoiles et alerte la communauté scientifique quand l’une d’entre elles est affectée par l’effet de microlentille gravitationnelle. Au sein d’une collaboration entre télescopes à l’Organisation européenne pour des recherches astronomiques dans l’hémisphère austral (ESO), en Australie et en Afrique du Sud, nous avons formé le groupe PLANETw2 qui surveille 24 heures sur 24 les meilleures alertes OGLE.

Durant les étapes les plus critiques, nous observons une étoile donnée toutes les quelques minutes. De cette manière, nous avons déterminé les courbes de lumière de plus de 200 événements de microlentille gravitationnelle au cours des trois dernières années. D’après le grand nombre de courbes de lumière qui ne montrèrent aucun signe planétaire, nous concluons que les planètes de type Jupiter-Saturne (c’est-à-dire des grandes planètes gazeuses) sur des orbites de type Jupiter-Saturne (c’est-à-dire de grandes orbites) sont rares dans notre galaxie. En d’autres termes, les types de planètes qui ont stabilisé notre système solaire sur des échelles de temps biologiques semblent inhabituels dans l’Univers. C’est une conclusion fondamentale dans l’estimation des chances de trouver de la vie semblable à la nôtre ailleurs dans la galaxie.

Vue d’artiste de l’exo-planète
OGLE-2005-BLG-390Lb

Image reproduite avec
l’aimable autorisation de l’ESO

Cependant, le 9 août 2005, le télescope Danois à l’observatoire de l’ESO à La Silla au Chili, reconnut les premiers signes de la sorte d’asymétrie de la courbe de lumière dont nous étions à la recherche, suggérant ainsi la présence d’une planète en orbite. Nous avons immédiatement informé nos collaborateurs, à la fois au sein et en dehors de notre équipe. Dans les six heures qui suivirent, quatre télescopes au Chili, en Nouvelle-Zélande et en Australie confirmèrent la nature de la déviation. Après trois mois de modélisation intensive de la courbe de lumière, nous avons finalement été convaincus d’avoir détecté le signal de la plus petite exo-planète jamais observée. Et en janvier 2006, nous avons annoncé la découverte dans Nature (Beaulieu et al., 2006).

La nouvelle planète se nomme OGLE-2005-BLG-390Lb, ou, pour faire plus court, OB05390. Sa masse est de cinq fois celle de la Terre (c’est-à-dire qu’elle est plus similaire à la Terre que Mars, dont la masse est un dixième de celle de la Terre). OB05390 circule autour d’une étoile située à 22 000 années-lumière, sur une orbite trois fois plus grande que celle de la Terre. Ceci fait d’elle la seule exo-planète connue qui, d’après les théories, est faite de masse rocheuse, comme la Terre, et qui orbite autour de son étoile à une distance à laquelle elle aurait aussi pu se former. Il se peut que ce soit le premier système extra-solaire jamais vu dans lequel les planètes sont sur des orbites stables et où les conditions pour la vie sont stables sur des échelles de temps biologiques, comme dans notre propre système solaire.

Développements récents sur les exo-planètes à l’ESO

La découverte à La Silla d’une exo-planète de cinq fois la masse de la Terre est le dernier exploit d’une longue série de découvertes réalisées avec les télescopes de l’ESO. L’observatoire de La Silla Paranal de l’ESO, avec ses grands instruments installés sur le Very Large Telescope (très grand télescope, Pierce-Price, 2006) et ses divers télescopes plus petits, est très bien équipé pour l’étude des exo-planètes. On y trouve des instruments dotés d’optique adaptative pour l’imagerie, la spectroscopie haute-résolution et le suivi à long terme. Une liste des succès les plus récents est donnée ci-dessous.

2002: Découverte d’un disque opaque de poussières dans lequel des planètes sont en formation ou le seront bientôt, entourant une jeune étoile de type solaire. Ce disque est semblable à celui dans lequel les astronomes pensent que la Terre et les autres planètes du système solaire se sont formées. Plus de details.

2004: Confirmation de l’existence d’une nouvelle classe de planètes géantes. Ces planètes sont extrêmement proches de leur étoile hôte et orbitent autour en moins de deux jours terrestres. Elles sont donc ainsi très chaudes et ‘ballonnées’. Plus de details.

2004: Découverte de la première exo-planète potentiellement rocheuse, un objet de 14 fois la masse de la Terre. Plus de details.

2004: Première image réussie d’une exo-planète, ouvrant ainsi la voie vers une étude plus directe des exo-planètes. Pour plus de détails, voir ici et l?.

2004: Les ingrédients pour la formation des planètes rocheuses sont découverts dans les régions les plus internes des disques proto-planétaires autour de trois jeunes étoiles. Cela suggère que la formation des planètes semblables à la Terre ne serait pas aussi inhabituelle que cela. Plus de details.

2005: Découverte d’une planète de masse comparable à celle de Neptune, autour d’une étoile de faible masse, le type d’étoile le plus commun dans notre galaxie. Plus de details.

2006: Découverte de la plus petite exo-planète connue, de seulement cing fois la masse de la Terre (cette publication). Plus de details.

2006: Détection de trois planètes de type Neptune, chacune de masse entre dix à vingt fois celle de la Terre, autour d’une étoile qui possède aussi une ceinture d’astéroïdes. De tous les systèmes connus, celui-ci est le plus semblable à notre système solaire. Plus de details.

2006: Des observations montrent que des objets de plusieurs fois la masse de Jupiter ont un disque les entourant et pourraient s’être formés de manière similaire aux étoiles. Il devient ainsi beaucoup plus difficile de définir précisément ce qu’est une planète. Plus de details.

Henri Boffin, ESO


References

Web References

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Author(s)

Uffe Gråe Jørgensen est professeur associé à l’institut Niels Bohr de l’université de Copenhague au Danemark

Review

Cet article fournit des informations à jour sur les développements dans le domaine de la découverte des planètes extra-solaires. Il détaille la découverte d’une nouvelle planète semblable à la Terre et orbitant autour d’une étoile située à 22 000 années-lumière. Une technique nouvelle dite de microlentille est utilisée, au lieu de la recherche habituelle du mouvement de ‘balancier’ dans les raies spectrales d’une étoile. La technique de microlentille consiste à détecter une asymétrie dans la courbure gravitationnelle de la lumière d’une étoile distante quand elle passe derrière une étoile plus proche.

Cet article est destiné principalement aux personnes étudiant ou enseignant l’astronomie ou la relativité (en tant qu’application des idées d’Einstein sur l’effet de microlentille gravitationnelle) afin de mettre à jour leurs connaissances sur le sujet ou bien pour une lecture d’intérêt général. L’article lui-même ne dispose pas de contenu pédagogique. Cependant, le langage clair et le sujet intéressant signifient qu’il peut également être destiné à une tranche d’âge plus jeune (15-16 ans par exemple) et suivi de questions de compréhension. Cet article peut aussi convenir pour des étudiants plus avancés en tant qu’introduction à un sujet de recherche.

Mark Robertson, Royaume-Uni

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